Questionner la notion de qualité du dialogue social

Publié le 24/09/2020

qualité du dialogue social

Dans la partie 3 du rapport d’évaluation des ordonnances de septembre 2017, le comité est allé au-delà du cadre prédéfini en créant un groupe de travail ad hoc sur la qualité du dialogue social. Le résultat est riche d’enseignements. Ces travaux ont vocation à apporter un référentiel d’analyse aux partenaires sociaux.

Dans un premier temps, cette partie revient sur la notion de qualité du dialogue social, et esquisse ce que pourraient être des registres et critères d’appréciation de cette qualité. Puis elle porte sur la notion de performance de l’entreprise et interroge la faculté à établir un lien entre dialogue social et performance au niveau des entreprises et au-delà, avec les performances macroéconomiques en termes d’emploi. 

Enfin, elle met en perspective ces réflexions avec la crise de la covid-19, pour en examiner les implications sur la démarche d’évaluation des ordonnances Travail de 2017.

 

Quelle définition du dialogue social ?

 

Il s’agit d’un concept à la fois ambivalent et polysémique, sans définition juridique, largement usité et souvent avec une acceptation large… De plus, il comporte parfois une dimension « morale », à laquelle sont associées des assertions souvent émises sous forme de croyances ou de convictions, ce qui peut obscurcir son usage et son opérationnalité.

Le concept désigne à la fois :

  •     des processus formels de négociation collective ;
  •     des processus formels et informels d’échanges d’information, de consultation ;
  •     des processus informels de discussions ;
  •     les procédures et dispositifs de représentation des salariés.


Il renvoie à une pratique multidimensionnelle et se décline à plusieurs niveaux : européen, national/interprofessionnel, branche, territoire, entreprises… Pour certains, il doit englober des thématiques très larges (l’urgence écologique par exemple) et se développer dans toutes les configurations de travail : entreprises étendues, plateformes numériques, sous-traitance…

La définition de l’Organisation internationale du travail (OIT) rend compte de son aspect multidimensionnel : « Le dialogue social inclut tous types de négociation, de consultation ou simplement d’échange d’informations entre les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs selon des modalités diverses, sur des questions relatives à la politique économique et sociale présentant un intérêt commun. [...] Les processus de dialogue social peuvent être informels ou institutionnalisés ou associer – ce qui est souvent le cas – ces deux caractéristiques. »

Cette définition permet d’envisager de multiples dimensions, notamment formelles et informelles, et fait relativement consensus comme point de référence.

Il faut resituer ces définitions dans un contexte évolutif où les entreprises se transforment fortement et sont sous la pression d’une partie de la société les interpellant sur les effets de leurs activités. De ce fait le dialogue social, qui a pour fonction d’aborder ce qui impacte directement ou indirectement les travailleurs, intègre des dimensions économiques, environnementales, sociétales….

Ainsi les ordonnances font référence au « dialogue économique et social ». Cette expression, rappelle que le dialogue social doit aussi porter sur les conditions économiques de la création de richesse dans l’entreprise. Une telle définition ouvre ainsi le champ d’un dialogue social portant sur la définition de la stratégie de l’entreprise, et revendique un rôle comme levier d’investissement de long terme. Cette définition peut faire débat, pas forcément sur le principe même d’une prise en compte de la dimension économique, mais plutôt sur l’affirmation de son caractère central : selon que l’on considère que les questions économiques et sociales sont indissociables dans ce qui doit résulter des processus d’information/ négociation, ou bien que la dimension économique n’est qu’une des dimensions de l’information nécessaire pour nourrir un dialogue social de qualité.

Est aussi questionnée la juxtaposition de plus en plus fréquente des notions de dialogue social et de dialogue professionnel. Ce dernier renvoie aux espaces de discussion professionnels entre travailleurs (communautés et réseaux sociaux par exemple) et à la place du management, notamment intermédiaire, comme canaux d’expression des revendications et de résolution des problèmes quotidiens du travail.

L’articulation entre ces deux dialogues – qui recoupe en partie la distinction entre dialogue formel / institutionnalisé et informel – est de plus en plus questionnée, au regard de leur complémentarité ou de leur subsidiarité. Peut également être rattaché à ce questionnement le développement dans les entreprises de la notion, potentiellement englobante, de « relations sociales » : les enquêtes, études et formations qui adoptent ce vocable couvrent en effet un spectre assez large de pratiques, au-delà de celles relevant des dispositifs légaux du dialogue social.