Le terme de dialogue social devient de plus en plus prégnant dans l’analyse des transformations des relations collectives de travail, supplantant celui de négociation collective. Que signifie ce mouvement ? Peut-on donner un contenu plus précis à ce qui apparaît à bien des égards comme un mot-valise à visées tant politique ou idéologique que sociale ?
Cet article a été publié sur le site Metis Europe et écrit par Michèle Tallard.
Dans la partie : Sortir de la culture de l’affrontement ?...
Les formations communes au dialogue social sont questionnées
Les formations communes au dialogue social ont été introduites par la loi El Khomry (aout 2016). Ainsi présentes dans le Code du travail — articles R2212-1 et 2 — elles n’ont vraiment commencé à se mettre en place qu’avec la parution deux ans après, dans le bulletin officiel du Ministère du Travail du 30 juillet 2018, de leur cahier des charges.
Cette innovation se place dans un sillage ancien visible dès les années 1970 et plus encore avec les lois Auroux visant à sortir d’une culture de l’affrontement — qualifiée par certains de culture de la non-négociation ou encore de dialogue social introuvable — à une culture du dialogue social. D’autres étapes plus récentes, comme le rapport Combrexelle en 2015 ou encore l’avis du CESE en mai 2016 ponctuent cette volonté de changement de culture, de transformation des relations sociales en mettant au centre des enjeux d’information, d’éducation et de formation.
Concrètement, à travers l’analyse du cahier des charges de ces formations communes, Élodie Béthoux pointe un triple déplacement, dans l’opérateur choisi, le format, et le contenu. L’INTEFP (Institut national du travail de l’emploi et de la formation professionnelle) — établissement de formation initiale et continue sous tutelle du Ministère du Travail — est le garant de ces formations, il les labellise. Il s’agit également par le format de la coprésence de faire avancer la reconnaissance mutuelle des acteurs en faisant vivre le principe d’équidistance et d’égalisation des ressources. Le contenu de ces formations est directement inspiré du modèle nord-américain, plus particulièrement québécois fondé sur une conception intégrative, gagnant/gagnant de la négociation ou du dialogue social et sur un recours aux pédagogies actives.
L’objectif des pouvoirs publics est ainsi de promouvoir une sorte de dialogue social « authentique et de qualité », permettant une écoute réciproque et s’appuyant sur les composantes de la dynamique du développement des compétences individuelles et collectives.
Il n’est néanmoins jamais réellement défini sinon rapporté à la question des résultats économiques, un dialogue social de qualité, à différentes échelles, étant supposé permettre des gains de productivité. Les enjeux sont importants en ce que ce dialogue social doit accompagner le mouvement de décentralisation de la négociation en transformant les pratiques qui s’y déployaient. Le contenu de ces formations communes témoigne d’une double tension, entre changement institutionnel et changement dans les comportements et entre droits et devoirs des partenaires sociaux à qui on enjoint le devoir de s’écouter.
Le débat a permis de pointer, au-delà du changement de comportements, d’autres questions posées par ce développement du dialogue social que favoriserait celui des formations communes que ce soit l’appropriation du droit, sa vulgarisation et le rôle des experts ou encore celle de la responsabilisation des acteurs pour laquelle il n’existe pas d’indicateurs permettant de cerner ce que veut dire être responsable. Plus globalement, le lien complexe entre l’intensité du dialogue social et son effectivité reste une question ouverte.
À cet égard, on peut observer que le comité d’évaluation des ordonnances, dans son dernier rapport d’août 2020, renonce à l’idée de mesurer la qualité du dialogue social par la performance puisqu’il y a un lien entre les deux, mais s’attache plutôt à la saisir par des aspects procéduraux.